La diffusion, c’est le nerf de la guerre. Les programmateurs sont de plus en plus sollicités. Alors, comment attirer leur attention ? C’était le sujet de la table-ronde « Les nouvelles pratiques de diffusion dans le spectacle vivant » qui a clôturé la 3e édition des Journées du Management Culturel. Vous n’avez pas pu y assister ? La rédaction de Coulisses y était pour vous. Compte-rendu.
Un panel de spécialistes de la diffusion
Autour de cette table-ronde, un panel de spécialistes du sujet, avec des expériences et des points de vue complémentaires :
- Véronique Ray, responsable du développement de la Compagnie Julie Nioche et responsable des formations diffusion / production à l’AGECIF
- Régis Plaud, conseiller à l’ONDA (Office National de Diffusion Artistique) qui accompagne des équipes artistiques dans le diffusion au niveau national et international
- Lucie Mariotto, co-fondatrice de la Fabrique de Danse, une structure qui accompagne les compagnies de danse émergentes dans leur structuration (artistique, technique, gestion)
- Cyril Bahsief, fondateur d’Octopus, projet culturel dédié à la production, la programmation, l’évènementiel musical et l’organisation de tournées d’artistes dans les musiques actuelles
La table-ronde était animée par Thomas Petillon, fondateur d’Orfeo, le logiciel de gestion des producteurs de spectacle, déjà utilisé par plus de 100 structures du spectacle vivant.
Diffusion : de quoi parle-t-on ?
Dans le secteur du spectacle vivant, le terme « diffusion » est polysémique, suivant qu’on se place du point du vue des équipes artistiques qui créent et produisent des spectacles ou des lieux – festivals, salles – qui diffusent ces spectacles.
Au cours de cette table-ronde, le sujet était de se placer du point de vue des producteurs – compagnie de théâtre, danse, cirque, arts de la rue, ensembles de musique classique, groupes de musiques actuelle – ou de leurs partenaires- chargés de diffusion, bureaux de production- qui oeuvrent pour que leur spectacles s’inscrivent dans une programmation. Autrement dit, plus prosaïquement, ceux pour qui l’objectif est de vendre leurs spectacles.
D’après un rapide sondage effectué à main levée, le public assistant à la table ronde se répartissait grosso modo entre producteurs (50%), responsables de lieux (30%), institutionnels (10%)…et heureusement quelques artistes (10%) !
Rétrospective et prospective
A la question de dresser un constat rétrospectif et prospectif sur la question de diffusion, les intervenants s’accordent tous sur un constat plutôt pessimiste : « c’est plus dur qu’il y a 5 ou 10 ans ». Parmi les raisons qui sous-tendent ce constat, une logique de marché de plus en plus marquée et un contexte dans lequel « l’offre augmente et la demande stagne » comme le précise Régis Plaud.
Le tout dans un cadre général d’exigence économique, de budgets de plus en plus serrés, voire de désengagement des collectivités territoriales, ayant parfois comme conséquence « la disparition pure et simple de structures d’accompagnement, comme par exemple Culture-O-Centre en 2016 », comme le rappelle Véronique Ray.
Par conséquent, les programmateurs des lieux préfèrent « jouer la sécurité et limiter la prise de risque artistique » déplore Cyril Bahsief. Avec, cerise sur le gâteau, une concurrence plus rude de l’international.
Bref, les intervenants dressent un constat relativement pessimiste. Mais reconnaissent que le même temps « les lignes bougent ». Cette évolution du secteur est l’occasion pour les compagnies de « se fédérer » (Véronique Ray). A noter également, l’apparition de nouveaux leviers : « établir un lien direct avec son public » et « programmer soi-même ses propres événements » (Cyril Bahsief).
La stratégie avant les outils
Alors comment tirer son épingle du jeu dans un contexte aussi difficile. Les intervenants sont unanimes sur l’importance d’ « établir une stratégie en amont ». En premier lieu, l’importance de bien « travailler son positionnement », c’est-à-dire être au clair sur son identité artistique et son propre discours.
La deuxième idée forte qui se dégage est l’importance de « bien cibler les programmateurs ». Autrement dit de privilégier la qualité à la quantité, d’adapter le discours en fonction de la personne à qui on s’adresse. Régis Plaud insiste sur l’importance d’examiner « les sites web des lieux et des festivals ciblés » pour bien appréhender les lignes de force de leur programmation. Véronique Ray insiste quant à celle sur l’importance d’ « avoir toujours quelque chose à dire, une actualité à mettre en avant »
Troisième pilier de la stratégie, le réseau ! Lucie Mariotto insiste sur l’importance de « travailler son réseau professionnel » en établissant pas à pas des liens de proximité, soit géographique, soit relationnelle. En utilisant la technique du buvard ou, pourquoi pas, des outils comme LinkedIn.
En outre, Cyril Bahsief insiste sur l’importance d’« être présent dans les lieux où tout se passe » : les salons (MaMaEvent, BIS…), les festivals incontournables de sa discipline (Avignon pour le théâtre et la danse, le Printemps de Bourges…).
Les outils au service de la stratégie
Les dernières années ont été marquées par une nette évolution des outils : services pour la réalisation de sites Internet, plateformes de newsletters, outils de production vidéo, logiciels de bases de données.…
Mais en amont de l’utilisation de ces outils, Véronique Ray insiste sur la nécessité de trouver un « traducteur » qui sera capable de transmettre et décliner sous forme textuelle, visuelle une identité artistique. Ce travail de traduction, fondamental, doit absolument précéder le travail de réalisation.
Les intervenants soulignent l’importance de l’identité visuelle au sens large : qualité des photos, vidéos (teasers etc.), plaquette. Ce point est corroboré par le témoignage d’une personne de l’assistance, membre du comité de sélection des aides ADAMI, qui avoue que les visuels ont une importance clé et un impact non négligeable sur la sélection.
Pour finir, tous soulignent l’importance des réseaux d’accompagnement et fédérations, comme par exemple la Charte d’aide à la diffusion, le réseau européen IETM ou encore des structures propres à des disciplines comme la FEVIS (musique classique), Circostrada (arts du cirque) ou encore Aerowaves (danse). Et cette liste est loin d’être exhaustive !
Autant de moyens de « ne pas rester isolé dans sa pratique artistique » (Véronique Ray) qui rappelle également le rôle primordial des lieux de résidence, qui favorisent les rencontres et permettent de nourrir les échanges, de faire partie intégrante de l’écosystème.
En conclusion, un contexte certes tendu, mais des lignes qui bougent, des nouveaux outils – qu’il est important de mettre au service d’une stratégie – et de nombreuses structures d’accompagnement qui restent au service des équipes artistiques et leur diffusion.