Dans le spectacle vivant, il est souvent question de contrat de cession, de coréalisation ou de coproduction. Dans deux précédents articles, nous faisions le point sur les spécificités du contrat de cession et du contrat de coréalisation. Qu’en est-il du contrat de coproduction ? Coulisses répond aux questions que vous, administrateur, chargé de production, vous pouvez vous poser : qui peut conclure un tel contrat ? Dans quelles conditions ? Quels les avantages ? Y a-t-il des risques ?
Le contrat de coproduction, c’est quoi ?
Le contrat de coproduction est un contrat par lequel plusieurs partenaires s’associent pour mettre en commun les moyens financiers, techniques et/ou humains nécessaires à la création et/ou l’exploitation d’un spectacle, d’un événement.
En signant un contrat de coproduction, les différentes parties deviennent coproducteurs : elles prennent ensemble l’initiative et la responsabilité de la réalisation du spectacle. Ces coproducteurs peuvent être des compagnies, des lieux de spectacle… Ainsi, Cosi Fan Tutte, représenté au festival d’Aix en 2016, a été produit par le Festival d’Aix-en-Provence et coproduit avec l’Opéra de Lille, Korea National Opéra et Edinburgh International Festival.
Les coproducteurs désignent, parmi eux, un producteur délégué qui sera chargé de réaliser pour leur compte l’objet du contrat (création et/ou exploitation d’un spectacle). Dans les faits, le producteur délégué est bien souvent celui, la personne ou la structure, qui est à l’origine de l’idée de création, les coproducteurs lui permettant de réaliser cette idée.
Le producteur délégué assure ainsi toutes les opérations de gestion et rend des comptes aux coproducteurs de l’utilisation des moyens qui lui sont confiés : embauche des salariés, paiement des salaires, des charges sociales, établissement et signature des contrats avec les différents prestataires….
Les différentes parties – producteur délégué et coproducteur(s) – partagent les bénéfices et sont solidairement responsables des éventuelles pertes de l’exploitation, ce qui n’est pas le cas avec les contrats de cession et de coréalisation. Le contrat de coproduction s’arrête à l’issue de l’exploitation. C’est d’ailleurs à ce moment que l’on partage les bénéfices ou les pertes.
Quels sont les avantages ?
Concrètement, le contrat de coproduction permet de mutualiser les moyens, financiers, matériels et humains, entre un producteur délégué et un (ou des) coproducteur(s). Le premier avantage est donc, pour le producteur délégué, la possibilité de monter un spectacle que, seul, il n’aurait probablement pas pu.
De ce même principe, les structures limitent les risques financiers puisque si le budget global réel augmente par rapport au prévisionnel, chaque coproducteur contribuera à hauteur du pourcentage prévu à chacun. Ajoutons à cela le fait que la coproduction permet aussi de convaincre plus facilement un partenaire de s’associer : les risques sont partagés et les autres coproducteurs représentent une garantie supplémentaire.
Dans le cas où un lieu de spectacle (coproducteur) s’associe à une compagnie (producteur délégué), cela lui permet de créer un véritable partenariat. Ainsi, s’il en retire des bénéfices, il pourra les réinvestir dans d’autres productions qui feront vivre son lieu de spectacle. Par exemple, »Courtepointe« , la dernière création de Philippe Découflé, qui sera donnée à Rennes fin septembre 2016 est produit par la Compagnie DCA (en tant que producteur délégué) et coproduite par le Théâtre National de Bretagne.
Et les risques ?
Le risque premier pour les coproducteurs reste le risque financier. C’est pourquoi, les coproducteurs doivent avoir une confiance totale dans le producteur délégué.
De son côté, le producteur délégué doit répondre à une charge de travail plus conséquente ou du moins, différente. Au-delà des obligations obligations fiscales, sociales et juridiques, de la comptabilité, etc.(charges qui lui incomberaient s’il produisait seul), le producteur délégué doit aussi rendre des comptes aux autres coproducteurs. De même, il s’engage auprès des coproducteurs à livrer le spectacle à la bonne date.
Le contrat de coproduction et la société en participation
En établissant un contrat de coproduction, avec partage des bénéfices et des pertes, on crée de facto une société en participation (SEP). Régie par les articles 18-71 et 18-72 du Code Civil, la SEP n’est pas immatriculée et ne possède donc pas de personnalité morale ni de siège social, ni de capital… Elle est donc inconnue des tiers et n’existe que pour les associés fondateurs. La société en participation précise seulement l’association des coproducteurs le temps de la production et de l’exploitation du spectacle.
Toutefois, il est possible de créer une convention de coproduction simple. Dans ce cas, les coproducteurs limitent leur engagement (pertes ou bénéfices) à la hauteur de leurs apports.
Les principales clauses
Lors de la rédaction du contrat de coproduction, il y a certaines clauses à ne pas oublier au-delà de la désignation des différents coproducteurs. En effet, préciser l’objet du contrat de coproduction est essentiel : nom du spectacle, dates et lieux de répétitions, de la première représentation, les conditions d’exploitation du spectacle… Autres clauses importantes : la durée du contrat, les obligations des parties mais aussi les apports de chaque coproducteur (en numéraire, en nature et/ou en industrie) et la répartition des parts. Même si la SEP est, par définition, dépourvue de capital, il est bon de représenter les apports de chacun en parts et d’en préciser la valeur. Cela sera utile lors du partage des bénéfices ou des pertes. En effet, les coproducteurs s’engagent à contribuer aux éventuelles pertes à proportion de leurs droits dans le capital pour des montants pouvant être supérieurs à celui de leur apport.
Enfin, et pour que le contrat de coproduction formalise une société en participation, il est nécessaire d’inscrire une clause de partage des bénéfices ou des pertes. Les transactions financières entre les coproducteurs et le producteur (apports des coproducteurs et partage des bénéfices) ne sont pas, dans ce cas, assujetties à la TVA.
En revanche, l’absence d’une clause de partage des bénéfices ou des pertes transforme le contrat. Ce dernier n’est alors plus rattaché à une société en participation. Dans ce cas, les transactions financières entre les coproducteurs et le producteur sont assujetties à TVA.
Un soin important doit être apporté à la rédaction d’un contrat de coproduction. N’hésitez pas à vous rapprocher d’un centre de ressources qui pourra vous épauler. Voir par exemple ce document du Centre National de la Danse qui précise les principales clauses.