« Depuis l’origine, acteurs amateurs et professionnels jouent ensemble l’été sur la scène de Bussang. » Théâtre du Peuple de Bussang, Scène amateur du festival Classique au Vert, week-ends amateurs de la Philharmonie de Paris… Nombre de structures promeuvent la pratique des artistes amateurs, montent des spectacles mêlant professionnels et amateurs. Pratique très vivante en France, ce statut soulève toutefois un certain nombre de questions notamment du point de vue de la réglementation. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine précise ce statut.
Artiste amateur, de quoi parle-t-on ?
Pour tout un chacun, un artiste amateur est une personne qui pratique une activité artistique en loisir et sans en tirer un quelconque profit financier. D’un point de vue plus juridique, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine donne une définition plus précise dans son article 32 : « Est artiste amateur dans le domaine de la création artistique toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et qui n’en tire aucune rémunération. »
En d’autres termes, est considérée comme artiste amateur une personne qui pratique une activité artistique sans que, d’une part, ce ne soit son activité professionnelle principale et que, d’autre part, elle ne perçoive une rémunération sous quelque forme que ce soit en retour de sa prestation. Ainsi une personne bénéficiant du statut d’intermittent du spectacle, d’artiste-auteur ou qui serait titulaire d’une licence d’entrepreneur de spectacle ne peut être considérée comme amateur. Toutefois, l’artiste amateur peut obtenir le remboursement des frais engagés pour sa pratique sans que cela ne soit considéré comme une rémunération.
La combinaison de ces deux points est essentielle car un artiste professionnel qui se produirait gratuitement ne peut pas être considéré comme un artiste amateur.
Quand joue la présomption de salariat ?
La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) ne précise pas seulement une définition légale au statut d’artiste amateur. Elle réaffirme son existence aux côtés de celui d’artiste professionnel. Ainsi la présomption de salariat des artistes du spectacle (article L 7121-3 et L 7121-4 du Code du Travail) ne s’applique-t-elle plus aux représentations en public d’une œuvre de l’esprit effectuées par un amateur ou un groupement d’amateurs dans un cadre non lucratif, y compris pour un festival de pratique en amateur.
Toutefois, la présomption de salariat demeure dans le cas d’une représentation réalisée dans un cadre lucratif. La question qui se pose alors : quelle distinction fait-on entre un cadre lucratif et un cadre non lucratif ?
La loi précise qu’une représentation demeure non lucrative dès lors qu’elle est réalisée par un amateur, ou un groupement d’amateurs (qui n’en tire donc aucun bénéfice), même s’il a recours à la publicité, utilise du matériel professionnel ou met en place une billetterie payante.
Dans le cas d’une billetterie payante, l’article 32 de la loi précise que si les recettes ne servent qu’à payer les frais engagés pour la dite représentation, à financer les activités des artistes amateurs (achats de costumes, d’instruments, location de matériels…) ou des activités de nature caritative (soutien à une association par exemple), le cadre non lucratif reste acquis.
Cette précision permet notamment aux associations caritatives de faire intervenir des artistes amateurs lors d’un concert ou d’une pièce de théâtre avec une billetterie payante (dans le cas où les recettes sont utilisées au défraiement des amateurs et aux activités de l’association).
Accompagner la pratique amateur
En revanche, les artistes amateurs participant à un spectacle organisé dans un cadre lucratif sont présumés salariés de l’organisateur (alinéa III de l’article 32). Leur rémunération doit être au moins égale au minimum conventionnel du champ concerné, comme le stipule le Code du Travail.
Toutefois, il existe des exceptions : les structures de création, de production, de diffusion et d’exploitation de lieux de spectacles peuvent en effet faire participer des artistes amateurs à des représentations sans les rémunérer, si cette participation a pour but d’accompagner la pratique amateur ou des actions pédagogiques et culturelles. Ainsi, des structures telles que le Théâtre du Peuple de Bussang pourront toujours associer, sur scène, amateurs et professionnels.
Deux conditions cependant : il faut que cette mission d’accompagnement ait fait l’objet d’une convention entre l’organisateur et l’Etat ou les collectivités locales ou leurs groupements ; et qu’il y ait un nombre limité de représentations chaque année. Ce nombre sera fixé par décret ultérieurement.
Par ailleurs, « la part de la recette des spectacles (…) attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer les frais liés aux activités pédagogiques et culturelles et, le cas échéant, les frais engagés pour les représentations concernées. » Ainsi, un organisateur peut proposer un spectacle payant et composé à 100% d’amateurs. Cependant, il devra utiliser la recette du spectacle pour éventuellement couvrir les frais engagés pour que puisse avoir lieu la représentation et participer au financement, par exemple, de cours, de stages destinés aux amateurs. Attention cependant à ce que le nombre de ces représentations soit limité. C’est d’ailleurs ce qui a posé question en 2015 au sujet du Choeur de l’Orchestre de Paris.
Comment cette loi se traduit sur le terrain
– Un festival organise en première partie des concerts gratuits avec des artistes amateurs. Doit-il les rémunérer ?
Non. L’organisateur ne rémunère pas les artistes amateurs. En revanche, il peut les défrayer.
– Un festival monte un spectacle payant avec un plateau constitué à la fois d’artistes amateurs et professionnels. Doit-il rémunérer les amateurs ?
Oui. Sauf si ce spectacle entre dans une démarche d’accompagnement de la pratique amateur ou des actions pédagogiques et culturelles et qu’il fait l’objet d’une convention entre l’organisateur et l’Etat ou les collectivités locales ou leurs groupements.
– Peut-on faire un intervenir un artiste professionnel dans un cadre non lucratif sans le rémunérer ?
Non. Cela serait possible si l’artiste qui intervient est bénévole. Cependant, et de manière générale, le bénévolat n’est pas possible dans le cas où cela remplacerait une activité normalement exercée par la personne salarié, ce qui exclut le cas de l’artiste professionnel intervenant comme artiste bénévole.
Nous espérons vous avoir quelque peu éclairé sur le sujet. Toutefois, si avez des questions plus précises, nous vous conseillons de vous rapprocher de professionnels tels que votre expert-comptable, un juriste, un avocat, etc.