Dans un contexte budgétaire tendu, diversifier ses sources de financement et/ou réduire ses coûts de fonctionnement devient une nécessité pour les structures du spectacle vivant. Une nécessité qui peut toutefois se faire opportunité avec le mécénat et notamment le mécénat de compétence. Bénéficier de compétences, donner un sens à l’engagement philanthropique et artistique… Ce mécénat est un échange gagnant-gagnant.
Le mécénat de compétence, c’est quoi ?
Rappelons que le mécénat est un « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne (morale) pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. » (Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière). On entend par “oeuvre”, un projet mais aussi un organisme, une structure. Différent donc du partenariat ou du sponsoring, le mécénat peut prendre trois formes : financier, en nature ou de compétence.
Financier, le mécénat prend la forme d’un don d’argent. En nature, il s’agit d’un prêt ou d’un don de biens matériels (prêt d’un instrument de musique par exemple), de moyens (mise à disposition de locaux…), ou de technologies (un logiciel adaptée pour une compagnie…).
Quant au mécénat de compétence, il consiste à faire don de ses compétences. Concrètement, cela se traduit par la mise à disposition d’un salarié sur son temps de travail. C’est le cas, par exemple, d’un graphiste, salarié d’une agence de communication, qui réaliserait, pour un ensemble musical ou une compagnie de théâtre, une affiche de promotion. Evidemment, le salarié doit donner son accord dans un avenant au contrat de travail.
Selon le baromètre du mécénat d’entreprise en France, publié tous les deux ans par Admical (association qui représente les mécènes), 74 % des mécènes pratiquent le mécénat financier en 2016, 33 % le mécénat en nature et 11 % le mécénat de compétences, les différentes formes de mécénat pouvant être cumulées.
Mécénat de compétence / Bénévolat de compétence : quelles différences ?
Le mécénat de compétences, au même titre que le bénévolat, est une pratique « pro bono », l’abréviation française de l’expression latine « pro bono publico » (pour le bien public). Cette expression désigne donc « l’engagement volontaire de ses compétences professionnelles pour le bien public ».
Mais quelle distinction peut-on alors faire entre le mécénat de compétences et le bénévolat ? La différence réside essentiellement dans le statut du mécène ou bénévole. En effet, le mécénat de compétence émane d’une entreprise. C’est elle qui met à disposition un (ou plusieurs) salarié(s), sur son temps de travail, en vue de soutenir une activité d’intérêt général.
Quant au bénévolat de compétence, il s’agit d’une personne qui met à disposition ses compétences, son savoir-faire sur son temps libre. En effet, et en l’absence de définition légale, le bénévolat est défini ainsi, selon le Conseil économique, social et environnemental, dans un avis du 24 février 1993 : « est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ». Dans le cas du graphiste, il sera considéré comme bénévole à partir du moment où il intervient,de son propre chef et en dehors de ses horaires de travail.
Un échange gagnant/gagnant
Grâce au mécénat de compétence, la compagnie ou l’ensemble musical profite de savoir-faire spécifiques et nécessaires à la réalisation de son projet et ce, gratuitement. Mais la structure bénéficiaire n’est pas la seule à tirer avantage de ce type de relation.
En effet, le mécénat est encouragé, en France, notamment par un dispositif fiscal instauré par la « loi Aillagon », relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Texte de référence, la loi du 1er août 2003 prévoit en effet, une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés égale à 60% du montant du don dans la limite de versements annuels ne dépassant pas 0,5% du chiffre d’affaires hors taxes de l’entreprise. En cas d’excédent de versement, l’entreprise dispose de cinq exercices pour utiliser sa réduction d’impôt (article 238 bis du code général des impôts).
Dans le cas du mécénat de compétence, l’apport de l’entreprise doit être valorisé à l’ensemble des coûts salariaux (salaires + charges) des personnels qui sont intervenus (§50 du BOI 4 C-5-04, n°112 du 13 juillet 2004).
Le dispositif fiscal n’est pas le seul avantage. Pour l’entreprise mécène, les conséquences en termes de motivation des salariés qui vivent alors une expérience différente et enrichissante sont à prendre en compte. « Lorsque nous avons bénéficié du mécénat de compétence d’un graphiste, explique Serge Bufferne, administrateur de l’ensemble Emelthée, ce dernier a apprécié de pouvoir s’impliquer artistiquement. » Renforcer la cohésion d’équipe, développer les compétences, insérer l’entreprise dans son environnement, vivre une expérience nouvelle, etc. sont d’autres corollaires d’un tel engagement. Enfin, le bénéfice en termes d’image est également évident pour l’entreprise puisqu’elle apparaît notamment parmi les partenaires de la structure aidée.
Une relation qui se cadre
Pour faire valoir l’apport du mécénat de compétence, à la fois pour le mécène et le “mécéné”, mais aussi pour cadrer la mission, il est essentiel d’établir une convention de mécénat qui précisera :
– l’objet de la mission, c’est-à-dire la description de la mission avec le maximum de précisions (il peut être utile de joindre un cahier des charges à la convention) et s’il s’agit d’une prestation de services ou d’un prêt de main d’œuvre,
– l’identité et la qualification du salarié mis à disposition,
– le lieu et les horaires,
– la durée et, éventuellement un échéancier de livraison,
– les assurances : les éventuelles garanties contractuelles ou réglementaires doivent être rappelées dans le document. La convention doit également préciser qui, de l’entreprise mécène ou de la structure bénéficiaire, est responsable du salarié durant sa mission (article 1384 alinéa 5 du Code civil).
Qu’il s’agisse du mécénat de compétence ou du bénévolat de compétence, les attentes peuvent être les mêmes. D’ailleurs, rien n’interdit de conclure une convention de bénévolat comme celle proposée par France Bénévolat.
Quelques exemples de mécénat de compétence
Une agence web peut soutenir une structure du spectacle vivant en mettant à sa disposition un de ses salariés (un développeur par exemple) pour créer ou améliorer son site Internet. On pense aussi à un attaché de presse, salarié d’une entreprise de relations presse, qui gérerait la communication d’une compagnie de théâtre auprès des institutions et de la presse. Ou encore d’une entreprise de logistique qui mettrait à disposition une équipe de monteur pour l’installation d’une scène de spectacle, par exemple.
Sachez également que les avocats sont souvent investis dans des pratiques pro bono : honoraires réduits en soutien à des associations, hébergement d’oeuvres de jeunes artistes dans les locaux de l’entreprise… Mais cela peut également prendre la forme du mécénat de compétence : ainsi, pour une structure du spectacle vivant, un avocat peut traiter les questions juridiques. C’est le cas, par exemple, du cabinet Rivedroit qui a ainsi assisté l’Orchestre de Paris, conseillé le Centre Pompidou-Metz…
« Nous faisons appel au mécénat de compétence pour la communication ou la logistique (installation de nos concerts, les prises de sons et d’images…), témoigne Serge Bufferne. Au total, Emelthée compte six mécènes « historiques » dont un de compétence. Et, selon les projets, nous bénéficions de mécénats ponctuels. »
Où trouver des mécènes ?
Mais trouver des mécènes n’est pas une chose aisée… S’il existe des listes de fondations d’entreprise ou d’entreprises mécènes (Admical édite un répertoire payant), Serge Bufferne explique avoir trouvé « ses » mécènes via son propre réseau : « Cela me parait plus simple. On a pu alors intéresser les gens à notre projet artistique, les sensibiliser à notre vision. » Un conseil ? « Il est nécessaire de créer une vraie relation avec eux. Au sein de l’ensemble, un de nos vice-présidents est chargé du mécénat. Il réunit régulièrement nos partenaires pour les tenir au courant de nos activités, les inviter à nos événements, leur proposer de nouveaux projets. »
Clairement, le mécénat de compétence apporte une autre dimension à la relation mécène/ “mécéné” : la structure qui bénéficie de ce type de mécénat profite de compétences spécialisées, l’entreprise mécène et ses collaborateurs donnent du sens à leurs actions.