A l’occasion de la sortie du guide et annuaire “La Billetterie” aux éditions IRMA, Coulisses a interviewé son auteur, Eddie Aubin, un des principaux référents sur ce secteur. Fondateur du magazine MaGestionBilletterie.com, il est également le président fondateur de MyOpenTickets, un cabinet de conseil et d’information en billetterie. L’occasion d’évoquer avec lui l’importance stratégique de la billetterie pour le spectacle vivant.
La billetterie, un enjeu stratégique
Eddie Aubin : Contrairement à ce que l’on peut croire, la billetterie n’est pas seulement un service de mise en vente. Elle ne doit pas être vue comme une contrainte mais comme une opportunité. En effet, la billetterie est pluridisciplinaire : elle comprend également la communication, les relations avec ses publics, le marketing, le contrôle d’accès… Elle permet donc de vendre mais aussi d’être vu et, surtout, de mieux connaître ses clients. La billetterie est un moyen idéal pour actionner des leviers de rémunération et sortir de l’assistanat.
L’entrepreneur de spectacles qui souhaite améliorer l’efficacité de sa distribution doit analyser ses besoins dans trois domaines : la commercialisation (prospection, suivi, gestion, fidélisation), le reporting (suivi comptable, contrôles financiers, tableaux de bord, obligations fiscales) et le contrôle d’accès (accueil du public, circulation, fiabilité, traitement des litiges, vérification).
C’est également dans ces domaines que se différencient les entreprises de spectacles avec:
– l’importance du service de communication avec le public, le nombre de spectateurs potentiel, la zone géographique de chalandise, le nombre et la diversité des spectacles, la taille des salles, la catégorie de public touché, le choix d’un suivi de la relation client plus ou moins élaboré, pour la commercialisation ;
– l’organisation comptable, le suivi commercial, l’information des partenaires, les obligations budgétaires, les tutelles, le suivi analytique, le nombre et la diversité des personnes et des services concernés, pour le reporting ;
– le flux de public, le nombre et la taille des salles, la numérotation ou non des places, la configuration des accès, la professionnalisation des contrôleurs, le coût et la maniabilité des appareils de contrôle, pour le contrôle d’accès.
Il faut noter que le contrôle d’accès est un critère important, étant donné qu’il n’est apparu que récemment avec l’évolution de la législation (2007) et que la complexité et les problématiques qui lui sont attachées ne sont pas toujours clairement perçues. Il faut rappeler qu’en libéralisant le format du billet de spectacle, la législation a remplacé l’obligation de respect de la forme du billet par une obligation de contrôle. L’organisateur sera fiscalement responsable si le contrôle a été insuffisant pour empêcher la fraude.
Quel logiciel de billetterie ?
E.A : La modernisation de la billetterie ne peut se réduire aujourd’hui au choix d’un logiciel. Les éditeurs de logiciels, locaux ou en ligne, rivalisent aujourd’hui d’imagination et ont à leur disposition des moyens techniques extrêmement puissants pour fournir des outils intelligents et connectés. Par ailleurs, l’évolution de la législation a remplacé la problématique du billet par celle du contrôle d’accès dont la nature et l’apparence sont encore en pleine évolution.
De même, le fonctionnement commercial des premières entreprises de spectacles qui ont informatisé leur billetterie restait relativement figé, ce qui rendait possible la réalisation ou l’acquisition d’un logiciel adapté à ce fonctionnement. Aujourd’hui, le fonctionnement des établissements et des producteurs a évolué: ceux-ci doivent innover en permanence pour s’adapter à des modes de consommation du public en plein bouleversement.
Néanmoins, en premier lieu, il faut chercher à optimiser ses outils existants. Bien souvent les logiciels utilisés pour la billetterie sont sous-utilisés. Les professionnels n’utilisent que 15% des fonctionnalités d’un logiciel en place. Sans révolutionner sa pratique, il est tout à fait possible de se former pour mieux connaître son outil. C’est la raison pour laquelle j’anime régulièrement à l’Irma, au Cifap ou l’Université Paris-Dauphine des formations sur ces sujets.
Il est également important de mener une réflexion de fond sur l’utilisation de ce service notamment afin de fédérer les équipes autour de leurs enjeux. Ce n’est pas toujours un souci du logiciel mais un problème d’organisation en interne. A titre d’exemple, la billetterie doit être animée. Elle doit être pensée plus globalement – avant, pendant et après l’acte de vente – et ne doit pas être séparée des autres éléments de la structure.
Lorsque la question d’un nouvel outil se pose, c’est en fonction du besoin que l’on détermine l’éditeur et non pas l’inverse. Les offres de solutions foisonnent aujourd’hui et beaucoup d’acteurs sont présents sur le marché. Il faut donc voir plus loin que l’acte de vente lui-même et réfléchir à une démarche globale. C’est pourquoi il est également essentiel de bien s’harmoniser avec le prestataire et de développer un langage commun pour bien définir un cahier des charges précis. Un certain nombre d’entreprises d’assistance de maîtrise d’ouvrage sont spécialisés sur ce sujet, dont notre cabinet qui propose l’analyse des candidatures et une synthèse objective et indépendante des meilleures offres.
Replacer l’humain au coeur de la billetterie
E.A : Nous considérons que la culture est un droit pour tous. Mais pour que cela puisse vraiment l’être, il faut que les structures soient rentables. Il est vrai que cette façon de penser n’est pas habituelle dans le domaine de la culture en France mais il faut mener cette réflexion : on peut être rentable tout en étant éthique. En fonction des valeurs ou des ambitions de la structure, la billetterie peut ainsi être coopérative, participative ou encore solidaire. Chaque acteur de la culture doit donc mener une réflexion pour lier l’accès à tous et la nécessaire rentabilité des structures. Tout cela doit se faire dans la transparence.
Je crois réellement qu’il faut replacer l’humain au cœur de la billetterie, d’autant plus qu’elle se dématérialise ! C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à rencontrer ses pairs, confronter les idées, voir ce qui se fait ailleurs, même s’il s’agit d’un autre secteur d’activités. Le changement n’est pas nécessairement radical, c’est l’occasion d’améliorer, d’optimiser ce qui se fait déjà. Et pour cela, il ne faut pas hésiter à recueillir les avis et idées de toutes les personnes concernées et notamment les caissiers et ouvreurs. Pour qu’une billetterie soit efficace, il faut qu’elle intègre tout un système : il ne faut pas, par exemple, séparer la billetterie de la communication ou encore de la distribution. Il s’agit d’un tout.
La billetterie doit suivre un objectif plus grand, plus global que la seule vente de billets d’entrée. Mais pour cela, il n’est pas nécessaire de tout révolutionner, juste d’évoluer : avant même de changer quoi que ce soit, prenez conscience de votre propre richesse, de votre propre potentiel !
Le Guide pratique de la billetterie se veut être un outil pédagogique et pratique puisqu’il recense aussi l’ensemble des obligations auxquelles doivent faire face les organisateurs d’événements et les principales étapes d’une bonne commercialisation, propose un annuaire de la billetterie avec plus de 440 contacts en interne vérifiés, l’interview d’acteurs culturelles, les tendances et l’histoire du marché etc.