Passer d’une billetterie gérée localement à une billetterie en ligne peut sembler une opération délicate pour certains professionnels du monde du spectacle vivant. Harry Bos, secrétaire général et régisseur du Festival Musique à l’Emperi à Salon-de-Provence, n’a pourtant pas hésité. Dans cet entretien accordé à Coulisses, il nous parle de ce qui a poussé son festival à adopter une solution de billetterie en ligne, des défis auxquels il a été confronté, et des bénéfices qu’il en a tirés. Rencontre.
Qu’est ce qui vous a amené à gérer une partie de votre billetterie en ligne ?
La question se pose depuis des années au sein de l’équipe du festival. Avec l’importance croissante d’Internet et les facilités de paiements qu’offrent les solutions en ligne, les avantages sont multiples. Pour une manifestation culturelle de premier plan, il n’est plus envisageable de ne pas offrir cette possibilité à son public. Dans notre cas précis, il faut savoir que Musique à l’Emperi est un festival organisé par une équipe majoritairement bénévole. À Salon-de-Provence, elle est soutenue par le théâtre municipal Armand, pour l’organisation technique et la billetterie. Le théâtre ne dispose pas de système informatique permettant une billetterie électronique et l’accès internet n’y est pas très facile. Il a donc fallu tout inventer et travailler avec une équipe du théâtre qui – comme les responsables du festival – n’avait jamais travaillé avec des outils comme la billetterie informatique.
Quelles questions doit-on se poser avant de mettre en place cette démarche ?
Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent dans tous les aspects du métier. Que fait-on ? Pour qui ? Quel but veut-on atteindre ? Veut-on acheter, louer ou faire faire un outil informatique ? Lequel ? En quel sens la billetterie informatique est-elle différente d’une billetterie « normale » ? Doit-elle, par exemple, contenir les mêmes genres de tarifs ? Le même nombre aussi ? Quel public vise-t-on ? Nous avons un public à la fois international et très local. Un public qui vient parfois de très loin ; et un public de la ville de Salon qui soutient le festival depuis sa création et a l’habitude d’aller au Théâtre Municipal Armand pour discuter des concerts et des tarifs. Ce public doit être élargi, afin que le festival puisse répondre à de nouveaux défis, notamment financiers. Dans une période de disette de la « manne publique », c’est la vraie raison de notre décision de passer à la billetterie informatique. Cependant, on ne peut pas se permettre de perturber notre public d’habitués en ne proposant que la réservation en ligne, c’est pourquoi le service local, physique, doit continuer d’exister.
Quelles sont les étapes dans une transition comme celle-ci ?
La première étape, c’est bien entendu de choisir l’outil informatique à utiliser. Nous avons utilisé Tickboss, une solution qui nous a été suggérée par notre bureau de communication Sequenza. Tickboss est un outil pratique pour un festival ponctuel comme le nôtre : la société héberge toute la billetterie, fournit le matériel (imprimantes et billets) et s’occupe de l’exécution et de l’entretien. Avec cette société, nous installons le logiciel puis nous formons tous ceux qui travailleront avec. Le processus a été assez délicat parce que personne, ni les organisateurs du festival, ni l’équipe du théâtre, n’avait travaillé avec cet outil spécifique. Bien évidement, nous l’avions décrypté, mais entre étudier et pratiquer, il y a une grande différence ! Il fallait donc partir de zéro et apprendre vite. Arrive alors le moment de la mise en oeuvre. Il y a eu des allers-retours entre notre association, l’équipe du théâtre et l’entreprise fournisseur du logiciel. Nous avons échangé sur les options disponibles (prix des places, formules d’abonnements, gestion des places exonérées), changé des choses, corrigé, amélioré… C’est une situation courante lorsqu’on a une utilisation temporaire d’un logiciel existant. Enfin, pendant la période du festival, nous organisions les concerts dans deux lieux : une église et un château médiéval. Il fallait avoir Internet aux deux endroits pour que la billetterie en ligne fonctionne, des lieux où l’accès à Internet n’est pas toujours évident. Finalement, nous avons pu mettre en place un accès à la billetterie en ligne dans le château mais pas dans l’église. Outre le retrait sur place des billets réservés en ligne par les spectateurs, nous avons également utilisé des souches, plus simples à gérer dans le cas particulier de l’église, où nous avions peu d’espace et de temps.
Comment avez-vous vécu ce passage d’une gestion locale à une gestion connectée ?
Nous n’étions pas des utilisateurs au quotidien du logiciel (en plus, nous étions loin, à Paris, à des centaines de kilomètres de Salon-de-Provence), donc nous n’avons pas eu la mainmise sur tout le processus. Nous avons fait confiance à l’équipe du théâtre et mis en place un dialogue permanent et très constructif avec elle. À ce propos, il n’y a pas de raison de différencier totalement la gestion locale de la gestion connectée. Même en travaillant avec un outil entièrement informatisé, il faut avoir des gens sur place pour gérer la billetterie et être en relation permanente avec le public. Côté tarification et abonnements, nous avons remarqué que certaines de nos formules n’ont pas aussi bien fonctionné que l’on pensait et d’autres mieux qu’espéré. Nous avons l’impression que l’outil informatique nécessite peut-être une autre approche de la tarification. Les gens passent simplement moins de temps à étudier l’offre devant un écran d’ordinateur que sur une feuille de papier. La billetterie électronique n’est pas une solution miracle qui permet automatiquement d’agrandir son public. Il faut du travail derrière, du travail de réflexion, d’adaptation, de communication. Il faut toujours bien se demander pourquoi on fait ce que l’on fait, et comment. Ce que nous avons pu constater en revanche, c’est que la méthode “traditionnelle” qui consiste à commander des billets par voie postale, grâce à un coupon attaché au flyer distribué à des milliers de personnes, n’a pas du tout été utilisée par le public. Les temps changent !
Quels sont les avantages d’une billetterie en ligne pour vous ?
La billetterie électronique, telle que nous l’avons mise en place, n’est finalement pas plus chère que la simple impression des billets. Auparavant, on faisait spécifiquement imprimer tous les billets. C’était très onéreux. L’avantage financier est donc manifeste. L’équipe du théâtre a été satisfaite de la lisibilité et de l’ergonomie du logiciel. Pour nous tous, c’était un saut dans le grand large, si j’ose dire, mais c’est un pari réussi. Enfin, on a la possibilité d’analyser les données qu’on récolte et de s’y adapter. Les logiciels de billetterie électronique permettent tous de chiffrer les données : quel type d’abonnement fonctionne le mieux, quel type de public est venu… On peut faire des statistiques beaucoup plus détaillées que par les voies conventionnelles. Nous voyons donc que la mise en place d’une billetterie en ligne doit être faite par étapes : choisir l’outil, le mettre en oeuvre et le paramétrer, puis assurer de bonnes conditions d’utilisation (connexion filaire ou borne wifi) lors du festival ou du spectacle. Une nouvelle plate-forme qui permet d’ouvrir ses ventes de billets à un public plus large, d’obtenir des données sur les spectateurs (pour adapter l’offre) et d’éviter les impressions de billets coûteuses.
Source de l’image à la Une : Musique à l’Emperi