A régime spécifique, paie spécifique. En effet, la paie des intermittents du spectacle fait partie des sujets les plus complexes à gérer pour les administrateurs. Certaines structures du spectacles choisissent de faire appel à un expert-comptable ou un prestataire de paie. D’autres préfèrent avoir recours à des logiciels de paie ou solutions en ligne spécifiques aux intermittents. Quelles différences ? Quels critères de choix considérer ?
Coulisses a choisi de faire un zoom, en deux temps, sur ce type de solutions. Ce premier volet de notre dossier est consacré aux logiciels “internes”. Il sera suivi le mois prochain par un deuxième volet consacré aux solutions en ligne.
Paie du spectacle : externaliser ou internaliser ?
Avant de passer en revue les principaux logiciels, rappelons que si vous embauchez occasionnellement des artistes mais que l’organisation de spectacles n’est pas votre activité principale, vous devez passer par le GUSO (Guichet unique du spectacle occasionnel) qui permettra de réaliser toutes les démarches obligatoires (incluant la paie) via une déclaration unique et simplifiée.
Dès lors que l’organisation de spectacles est votre activité principale, vous ne pouvez pas passer par le GUSO. Plusieurs options s’offrent alors aux administrateurs du spectacle vivant.
La première option est de faire appel à un expert-comptable ou à un prestataire spécialisé dans la paie des intermittents : vous transmettez vos éléments de paie et le prestataire s’occupe de tout. Une différence à noter néanmoins : les experts-comptables ont l’obligation de souscrire à une assurance responsabilité civile professionnelle qui couvre les conséquences d’éventuelles erreurs de calcul.
La deuxième option est de faire le choix de vous équiper d’un logiciel en interne. A la clé, une plus grande maîtrise du processus, une logique de coût différente mais aussi la nécessité d’avoir une compétence en interne – généralement, l’administrateur – qui se forme au logiciel. C’est cette option que nous détaillons dans la suite de cet article.
La troisième option est de recourir à un service en ligne (comme Movinmotion ou Intercachet) : à mi-chemin entre l’externalisation et la gestion interne, traitant les données que vous fournissez, ces solutions seront traitées en détail dans le deuxième volet de notre dossier à paraître le mois prochain.
Que font les logiciels de paie du spectacle ?
Un logiciel de paie est un outil informatique permettant de gérer l’intégralité des activités liées aux ressources humaines de la structure, de l’entrée des salariés jusqu’à leur sortie.
Un logiciel de paie assure donc à la fois la gestion courante de la paie et la gestion administrative du personnel : établissement des déclarations préalable à l’embauche (DPAE), génération – voire signature électronique – des contrats de travail , transmission voire télépaiement des déclarations de charges au format DSN, export des écritures vers les logiciels de comptabilité.
Dans le cas particulier de la paie du spectacle, ces logiciels gèrent également les Congés Spectacles, la production des Attestations Employeur Mensuelles (AEM) pour tenir compte des spécificités réglementaires du régime des intermittents.
En outre, les logiciels spécialisés dans la paie des intermittents prennent en compte les calculs des charges spécifiques comme la déduction forfaitaire spécifique ou les cotisations du FNAS, du CMB (médecine du travail) ou encore de l’AFDAS. Le tout bien sûr dans le respect des conventions collectives du spectacle vivant (CCNEAC et CCNESPSV), notamment en ce qui concerne les rémunérations, le calcul des heures supplémentaires…
Bref, vous l’aurez compris, les nombreuses spécificités de la paie des intermittents imposent de choisir un logiciel de paie dédié à ce secteur d’activité.
Les 10 critères de choix à considérer
Vous êtes dans un projet d’équipement de logiciel de paie ? Voici un certain nombre de critères qu’il nous semble important de considérer dans votre prise de décision :
1. Les types de salariés gérés : le logiciel choisi doit pouvoir gérer la paie de tous les salariés de votre structure (intermittents – artistes payés au cachet, techniciens payé à la journée – mais aussi permanents si vous êtes concerné)
2. La régularité des mises à jour : les obligations réglementaires liées à la paie évoluent régulièrement. Assurez-vous que le logiciel choisi évoluera en conséquence pour être toujours en accord avec la réglementation.
3. Les possibilités de paramétrage : le logiciel est-il fourni avec un pré-paramétrage des taux, professions, rubrique de paie ? Avez-vous la possibilité de personnaliser ce paramétrage ? L’éditeur vous propose-t-il une aide au paramétrage ?
4. La formation : ce type de logiciel étant plutôt complexe, assurez-vous que l’éditeur propose des formations (en ligne, dans ses locaux ou dans vos locaux), prises en charge par l’AFDAS.
5. Le support et hotline : un service d’assistance est-il inclus ? S’agit-il d’un simple support à l’utilisation de logiciel ou d’une hotline juridique et sociale ? Pouvez-vous joindre la hotline par téléphone ou uniquement par mail ?
6. Les possibilités d’interfaçage : le logiciel choisi est-il capable de dialoguer avec d’autres logiciels: importer les éléments de paie depuis un outil de planification comme Orfeo ou encore exporter les écritures vers un logiciel de comptabilité…
7. La réversibilité des données : êtes-vous assuré contractuellement pour que les données stockées dans le logiciel restent votre entière propriété et que vous ayez la possibilité de les exporter intégralement à tout moment ?
8. La responsabilité civile : le sujet de la paie pouvant avoir des implications fortes en cas d’erreur de calcul, il est préférable de vous assurer que l’éditeur choisi a souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle qui peut être actionnée en cas de litige.
9. La vision stratégique : le sens de l’histoire étant, doucement mais sûrement, une évolution vers les logiciels en ligne dits SaaS (Software as a Service), la lisibilité de la stratégie de l’éditeur sur le sujet peut être un indicateur de la pérennité de la solution.
10. La tarification : pouvez-vous acquérir le logiciel ou est-il disponible sous forme d’abonnement ? Le tarif est-il lié au nombre d’utilisateurs ? Au nombre de bulletins de paie édités ? A la masse salariale brute gérée ? Le prix inclut-il le paramétrage initial ? Les mises à jours régulières ? La hotline ? Assurez-vous de bien calculer le “coût total de possession” du logiciel dont vous faites le choix.
Zoom sur les principaux logiciels du marché
Nous avons interrogé les principaux éditeurs de logiciels de paie du spectacle pour en savoir plus sur leur base de clientèle, sur les points différenciants de leur produit et sur les évolutions qu’ils projettent dans les prochains trimestres. Voici ce qu’il nous ont répondu.
sPAIEctacle
Né en 1992, sPAIEctacle est aujourd’hui le leader sur le marché et compte plus de 4 000 clients. L’application éditée par GHS, gère tous les types de salariés (permanents et intermittents, CAE, apprentis…). La nouvelle version 6.3 – sortie en 2017 – s’offre une nouvelle jeunesse avec notamment un nouveau design de la barre d’outils et des nouvelles fonctionnalités.
« Grâce aux notifications, l’utilisateur est informé en temps réel dans sPAIEctacle des taux à actualiser, des versions à télécharger, des retours de ses dépôts de fichiers, du suivi de ses DSN… » précise Jérôme Sautié, responsable marketing. En d’autres termes, la gestion et les contrôles que doit effectuer un employeur du spectacle ne nécessitent plus d’aller sur Net Entreprises, c’est intégré dans sPAIEctacle.
Copie d’écran du logiciel sPAIEctacle 6.3 (c) GHS
Interpaye – DV LOG
Depuis sa création, DV-LOG est un éditeur de logiciel spécialisé dans le domaine du la paie des intermittents du spectacle. Aujourd’hui, “environ 1800 entreprises sont gérées par nos logiciels (spectacle vivant, audiovisuel, cinéma”, précise Patrick d’Aranjos, gérant de DV-LOG.
Interpaye, le logiciel de paie utilisable en interne ou sur leur cloud, permet de gérer les contrats de travail, DUE, traitement de la paie, DSN… “Les DUE sont transmises automatiquement, les contrats de travail sont personnalisables et les DSN s’envoient en Machine To Machine”, complète alors Patrick d’Aranjos. Interpaye permet également la dématérialisation des bulletins et contrats. En outre, l’utilisation du logiciel ouvre un accès aux salariés via un portail dédié.
En ce qui concerne le support, Patrick d’Aranjos précise : “nous répondons à toutes les questions d’ordres réglementaires en plus des questions sur l’utilisation de nos logiciels.” Avant de poursuivre : “Nous avons également un service de paramétrage à distance pour ceux qui ne veulent pas s’en charger ou qui n’ont pas le temps de le faire.” A noter : l’actualité sociale est publiée directement sur la page d’accueil du logiciel en temps réel.
Côté tarifs, là aussi, différentes versions permettent de s’adapter à la taille de chaque structure. Par ailleurs, vous pouvez faire le choix de l’acquisition du logiciel (399€) ou de sa version SAAS (à partir de 3 € la paye + un abonnement fixe de 150 € ht / an).
Parmi les évolutions à venir, le gérant de DV-LOG annonce la gestion de planning entièrement lié au logiciel, le déploiement de nouvelles offres de dématérialisation et l’ouverture d’une nouvelle plateforme d’Externalisation des payes : www.lapaye.com.
Copie d’écran du logiciel Interpaye (c) DV-LOG
Legilog
Initiée par des directeurs ou administrateurs de théâtre sous la forme d’un Groupement d’Intérêt Economique, puis renforcé par une société commerciale (Damocles) avec laquelle le GIE a fusionné en 2015 pour devenir la SaS LeGIE (avec le nom commercial Legilog), ce logiciel est utilisé par 200 structures du spectacle vivant : Centres Dramatiques Nationaux, Scènes Nationales, théâtres, associations culturelles.
Outre les fonctionnalités que l’on retrouve dans les autres logiciels cités précédemment (création et édition de fiches de paie, de contrats de travail ou encore télédéclarations, bulletin clarifié…), l’équipe de Legilog met en avant la flexibilité du logiciel : « Le logiciel est développé de façon à permettre à chaque utilisateur de le paramétrer suivant ses propres spécificités», précise Rita Thevenot, responsable du service clientèle.
En ce qui concerne la tarification, il faut prévoir un coût d’acquisition du logiciel, de la formation et un forfait mensuel d’assistance/maintenance de la solution.
Côté hotline, « Legilog dispose d’une assistance téléphonique dédiée au produit paie qui permet à ses clients de bénéficier des conseils techniques dans la réalisation de leurs bulletins de paies et diverses déclarations », souligne Jérémie Béhague, directeur général de Legilog.
En plus des évolutions liées aux obligations légales, Legilog fait évoluer sa solution en collaboration avec ses utilisateurs, en organisant chaque année un Club Utilisateurs qui permet à chacun de faire ses suggestions.
Une des principales évolutions à venir, l’an prochain, concernera « la gestion des documents externes à la paie qui sera directement accessible dans l’interface paie », annonce Roselyne Maillard de l’équipe Service et Formation de Legilog. Ainsi, tous les documents RH (demande de congés, contrat de travail…) seront dématérialisés et sauvegardés dans le logiciel.
Copie d’écran du logiciel Legilog
coolpaie
Précision : nous n’avons pas réussi à joindre la société coolpaie par téléphone, mais suite à notre demande d’information nous avons reçu un dossier de presse dont nous relayons les informations principales ci-dessous.
Créé en 2002 par un comédien et metteur en scène, Michel Bulteau, coolpaie (tout en minuscule) a longtemps été un logiciel partagé gratuitement sur Internet.
Devenue payante en 2009, cette solution a conservé un esprit de partage (forums d’échange pour les abonnés, aide en ligne personnalisée, documents mis à disposition…). Le dossier de presse indique qu’en 2017, plus de 1600 structures ont choisi coolpaie pour faire la paie et les déclarations de leurs salariés.
Côté hotline, il existe un système de tickets sur le site de coolpaie pour les questions liées à l’utilisation du logiciel. En outre, la société indique proposer à ses abonnés des télé-formations personnalisées en fonction de leur besoin. L’équipe est composée de 4 personnes.
Concernant la tarification, les montants d’abonnement sont calculés selon la masse salariale annuelle des abonnés : les premiers abonnements commencent à 84 € TTC / an pour une masse salariale annuelle de 10 000 €. Outre la gestion de la DUE à la DSN, coolpaie intègre également une option permettant aux structures de spectacle de faire la paie de leurs salariés non intermittents relevant du régime général.
Copie d’écran du logiciel coolpaie
Ces zooms ne se veulent pas exhaustifs, aussi pour faire votre choix, nous vous conseillons de vous rendre directement sur les sites des éditeurs ou de prendre contact avec leurs services. A bientôt pour le 2e volet de ce dossier “Panorama des solutions de paie du spectacle” qui sera consacré aux services en ligne.