Intempéries, absence d’un artiste… Lorsque l’on organise un spectacle, il faut composer avec le risque de devoir l’annuler ! Les assurances annulation existent, mais quels sont les risques couverts ? Les points à surveiller ? Guillaume Arnoux, dirigeant de la société Arnoux Assur spécialisée dans l’assurance des festivals et concerts, nous éclaire sur le sujet.
Quels sont les risques couverts ? Les bases d’indemnisation ?
Que couvre l’assurance annulation ?
Guillaume Arnoux : L’assurance dite “annulation” ou “pertes pécuniaires” est valable pour tous types d’événements qu’il s’agisse de spectacles en intérieur ou en extérieur. Elle comprend une base de couverture (deuil national, vol des instruments, grève des transports, retrait de l’autorisation administrative…) à laquelle peuvent s’ajouter des options spécifiques propres à chaque événement.
En effet, si vous organisez un concert unique avec une tête d’affiche, vos besoins d’assurance ne seront pas les mêmes que pour une tournée avec plusieurs groupes. D’autre part, le risque intempéries ou encore l’indisponibilité d’une personne-clé (par exemple, le régisseur général) ne sont à ajouter que si le besoin est réel. Point important : cette assurance n’est pas obligatoire, bien que son utilité soit indéniable.
Supposons qu’un orchestre organise un concert. Le jour J, l’ensemble des musiciens manque à cause d’un problème de transport. Que couvre l’assurance annulation ? Les frais engagés ? Les pertes financières ? La marge qui aurait été faite si le spectacle avait eu lieu ?
G.A : Il existe deux grandes bases de calcul, selon que le contrat est souscrit par une association ou une entreprise : en effet, l’association a besoin que ces comptes soient à l’équilibre, alors que l’entreprise a besoin de dégager de la marge pour payer ses salariés, ses frais de fonctionnement, alimenter d’autres projets, etc.
Imaginons donc qu’une association ait dépensé 100 000€ pour l’organisation de ce concert. Avec le jeu des subventions, des cotisations, etc. il lui reste 80 000€ à charge. Le but de l’assurance annulation est alors de couvrir ces 80 000€. On assure donc les frais engagés récupérables.
Dans le même cas de figure, l’entreprise assurera, en plus, la marge bénéficiaire : elle a dépensé 100 000 € et escomptait que l’événement lui rapporte 130 000 €, les 30 000 € de marge lui permettant d’assurer les frais de fonctionnement de l’entreprise. L’assurance annulation couvrira alors 80 000 € pour l’un et 130 000 € pour l’autre.
Qui doit contracter l’assurance ? Comment lire un contrat ?
Qui doit contracter l’assurance ? Le producteur ? La salle ? Le tourneur ?
G.A : Dans 99.9% des cas, l’assurance annulation est la charge de l’organisateur. Ce peut donc être une salle, un producteur ou encore un tourneur. Toutefois, il existe des cas où une assurance annulation peut être souscrite par deux parties sans qu’il y ait doublon.
Prenons l’exemple d’un tourneur local à qui un producteur a vendu un contrat de cession pour une date de la tournée d’un artiste. Ce tourneur local dépense 50 000 € pour la venue de l’artiste et 50 000€ de communication. Il prend une assurance annulation avec une option couvrant l’indisponibilité de l’artiste. Si l’artiste ne peut assurer sa prestation, les frais engagés pour la communication seront alors couverts (les 50 000 € de cachet n’ont pas besoin d’être couverts puisque le tourneur ne devra pas les verser en l’absence de l’artiste).
De son côté, le producteur peut prendre une assurance annulation pour couvrir les 50 000 € que l’organisateur ne lui versera pas si l’artiste est indisponible. Ainsi, chaque partie contracte une assurance annulation qui ne couvrira pas les mêmes frais.
Contrat en péril dénommé, contrat « tous risques sauf », assurance TRM… De quoi parle-t-on ?
G.A : Les contrats annulation sont en grande majorité conçus en “tous risques sauf” : c’est plus simple et plus concret de préciser les risques qui ne sont pas couverts, tels que le volcan en Islande, le risque nucléaire, etc. que de lister tous les risques couverts, au risque d’en oublier un, dans le cas d’un “contrat en péril dénommé”.
En revanche, l’assurance TRM (tous risques matériels) n’est pas une forme d’assurance annulation. Tout comme la responsabilité civile est une assurance spécifique, l’assurance Tous risques matériels l’est également. Ainsi, dans le cas d’une annulation de spectacle due au vol du matériel, c’est l’assurance annulation qui permet de couvrir le manque à gagner ou les frais engagés. De son côté, l’assurance TRM assure la valeur du matériel.
En revanche, un festival peut demander, pour plus de simplicité et puisque par définition ses besoins sont concentrés sur une durée courte, d’inclure l’assurance TRM, ou encore la responsabilité civile, dans le contrat d’assurance annulation.
Sur les contrats, il peut être mention de « cas fortuit » et de « cas de force majeure ». De quoi s’agit-il ?
G.A : Le cas de force majeure est une notion juridique mal définie. Toujours est-il que cela couvre les cas indépendants de chaque partie, comme ledeuil national par exemple. Le cas fortuit, lui, est contenu dans tout contrat d’assurance, quelles qu’il soit. C’est la base même de l’assurance. Il s’agit en effet d’assurer des cas non connus du souscripteur au moment de la souscription du contrat.
Quel est le coût d’une assurance annulation ?
Quel est le montant de cotisation pour une assurance annulation ?
G.A : Concrètement, il est difficile de donner ici une fourchette de prix tant l’assurance annulation dépend de ce qui est couvert. En effet, pour le calcul de la cotisation, plusieurs éléments entrent en jeu : la nature de la manifestation, les options choisies, les montants des capitaux à garantir, etc. Ainsi, si vous souhaitez couvrir l’indisponibilité de l’artiste, les cotes seront différentes selon que vous assurez un ou deux artistes ou encore si cet artiste a 30 ans ou 80 ans… De même, le montant de votre cotisation ne sera pas le même si vous assurez 10 000€ ou 1 million d’euros.
Sachez toutefois que la cotisation peut être comprise entre 0.6 et 1.5% des montants garantis pour une manifestation à l’intérieur et entre 2 à 3% pour une manifestation en extérieur.
Quelques cas concrets
Imaginons l’annulation d’un festival. Que se passe-t-il pour la compagnie qui a vendu le spectacle ?
G.A : Dans ce cas, le festival paie tout de même la compagnie qui a vendu le spectacle. C’est ensuite au festival de voir avec son assurance.
On se souvient de l’annulation de la venue de Björk à la Route du Rock, en 2015. Le festival avait alors proposé un remboursement partiel de 10 € par place… Qui a pris en charge le manque à gagner ?
G.A : Dans un tel cas, le festival est l’organisateur. Et à ce titre, il a sans doute pris une assurance annulation. Bien que l’événement ne tienne pas seulement à la venue d’un seul artiste, il se peut que le festival ait choisi de couvrir l’indisponibilité d’artistes tels que Björk, tant leur personnalité est forte et attire un public particulier. Dans un cas de figure, c’est donc l’assurance du festival qui assume le manque à gagner.
Merci à Guillaume Arnoux de la société Arnoux Assur pour son éclairage sur le sujet.