Le mécénat culturel ne se limite pas aux grandes entreprises qui soutiennent les opéras et les grandes salles de concert. Il peut aussi venir de personnes ou de petites entreprises intéressées par l’aide à la création ou à la production d’un spectacle. Ce mécénat diffus ou participatif est encore peu répandu en France et pourrait bien élargir les possibilités de financement dans le monde du spectacle vivant. Thérèse Lemarchand, responsable des organisations chez Commeon (plate-forme de mécénat participatif), nous parle des différents avantages du mécénat et de ce nouveau rapport au public qu’il peut apporter.
Comment fonctionne le mécénat culturel en France ?
Le mécénat culturel en France est aujourd’hui basé sur la loi Aillagon, dont on a fêté les 10 ans l’an dernier. Cette loi favorise l’acte de mécénat des particuliers et des entreprises pour des structures publiques ou d’intérêt général. Les structures qui sont éligibles au mécénat et qui sont définies par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts peuvent faire appel au mécénat des particuliers ou des entreprises, récolter des dons et émettre des reçus fiscaux. En contrepartie de quoi, les entreprises ont une réduction d’impôt à hauteur de 60 % du don. Les particuliers peuvent déduire 66 % du don de leur impôt sur le revenu. Ce sont des dispositifs extrêmement favorables pour le développement des donations puisque si l’on prend le système à l’envers, l’État abonde le financement aux deux tiers.
Au niveau pratique, lorsque l’appel à mécénat est réalisé sur Internet, il est considéré comme un appel national à la générosité publique, et doit donc faire l’objet d’une déclaration auprès de la préfecture du département de rattachement. À l’issue de la collecte, les organismes culturels devront mettre à disposition le compte emploi-ressources des dons collectés.
Quel est l’avantage du mécénat pour une structure culturelle par rapport à d’autres financements ?
L’avantage est double : le mécénat apporte des ressources de financement diversifiées mais participe également au développement d’une collaboration avec des acteurs tiers. La diversification des sources de financement permet de pallier une éventuelle baisse de subvention. Elle crée un filet de sécurité sur le développement de ressources propres. Le second avantage est aussi très important. C’est grâce au mécénat qu’il y a des cultures d’entreprise qui se mélangent, des apprentissages réciproques qui se font. Cela permet à la salle, à l’orchestre, au musée, de développer un nouveau public à travers les personnes invitées par l’entreprise mécène.
Il peut y avoir des personnes invitées dans un cadre professionnel qui ne seraient pas venues d’elles-mêmes. Mais si elles apprécient le spectacle, le lieu, elles reviennent ensuite en famille ou avec des amis. Finalement, cela devient une voie de diffusion de la promotion culturelle de la structure. En créant une relation privilégiée avec ces personnes, elle crée un cercle de spectateurs fidélisés, engagés, qui se feront ambassadeurs de son programme. Ceci est surtout valable pour le mécénat des particuliers.
“Le mécénat ne doit pas être vu comme une solution aux baisses de subventions mais surtout comme un moyen de diversifier ses sources de financement et d’engager les publics”
Le mécénat est-il devenu un ressort financier important ? Quelle est sa part face aux subventions de l’État dans le milieu culturel ?
C’est difficile à dire, puisque l’on a plusieurs sources. Les budgets de la culture au niveau de l’État et des collectivités territoriales, en 2010, représentaient 10 milliards d’euros : 72 % par les collectivités et 28 % par l’État. À côté de ça, l’ADMICAL fait des études sur l’importance du mécénat dans tous les secteurs et les chiffres de 2013 montrent qu’il y a eu 364 millions d’euros consacrés au mécénat culturel de la part des entreprises. On a donc encore une nette disproportion entre les budgets de l’État et des collectivités, et le mécénat d’entreprise. En matière de répartition budgétaire, on a aussi d’énormes disparités entre les structures : certaines fonctionnent énormément sur les ressources publiques et d’autres développent beaucoup leurs ressources propres (comme par exemple le Palais de Tokyo, ou des ensembles musicaux).
Le mécénat des particuliers reste à développer pour le secteur, et le mécénat participatif est un dispositif efficace à cet effet et qui prend de l’ampleur, en s’appuyant sur l’avantage que procurent Internet et les réseaux sociaux pour le don en ligne.
En réaction au budget de la culture qui diminue et à l’incertitude que peuvent avoir les organismes culturels, y-a-t-il une poussée du mécénat en France ces dernières années ?
Le mécénat ne doit pas être vu comme une solution à une baisse de financement mais plutôt comme une source de financement qui permet de répartir les risques. Aujourd’hui, il faut éviter d’essouffler une base de donateurs trop restreinte, ce qui est un problème avec le mécénat d’entreprise. C’est pourquoi le mécénat des particuliers est si intéressant, il fait rentrer une nouvelle génération dans ce système. Les entreprises ont été durement touchées par la crise, d’où une baisse du mécénat en 2013. D’un autre côté, le mécénat des particuliers est sous développé en France, malgré ses avantages. Les organismes culturels ont un intérêt grandissant pour ce mécénat des particuliers et des petites entreprises, qui constitue une nouvelle source de financement. Et il y a une nouvelle richesse dans cette relation de public qui ouvre de nouvelles voies de communication.
Pour aller plus loin, consultez le site de Commeon, et notre article consacré à la loi Aillagon sur le mécénat culturel.
Image à la Une : l’équipe de Commeon avec (de gauche à droite) Thérèse Lemarchand, Jean-Noël Juston et Laurance Boursican
Crédits : Julien Vachon ©